Au milieu des soucis apostoliques, saint Paul exhortait ainsi : « Un temps viendra où l'on ne supportera plus l'enseignement solide, mais, au gré de leur caprice, les gens iront chercher une foule de maîtres pour calmer leur démangeaison d'entendre du nouveau. Ils refuseront d'entendre la Vérité pour se tourner vers des récits mythologiques » (2 Tm 4, 3-4). Conscients du grand réalisme de ses prévisions, avec humilité et persévérance vous vous efforcez de correspondre à ses recommandations : « Proclame la Parole, interviens à temps et à contretemps avec une grande patience et avec le souci d'instruire » (2 Tm 4, 2).
(Benoît XVI, discours aux Évêques de France réunis dans l'hémicycle Sainte-Bernadette, à Lourdes, le dimanche 14 septembre 2008).

"Rien n'est voilé qui ne sera dévoilé, et rien n'est secret qui ne sera connu" (Jésus, Mt 10, 26).

Pastorale Nouvelles Croyances
et Dérives Sectaires 72

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Miséricorde



Les combats pour porter les FRUITS
de la sainteté chrétienne


Bienheureux les miséricordieux
car sur eux seront les miséricordes

(1. Du meurtre à l'estime de l'autre)
Le combat pour le Pardon et l'estime
dans les relations avec les autres

5,21 Vous avez entendu qu’il a été dit aux ancêtres :
Tu ne tueras point ; et si quelqu’un tue, il sera passible de jugement.

22 Eh bien ! moi  je vous dis :
Quiconque se met en colère contre son frère en sera passible de jugement ;
mais s’il dit à son frère : "Racaille !", il sera passible du Sanhédrin ;
et s’il lui dit : "Idiot !", il sera passible de la géhenne de feu.

23 Quand donc tu présentes ton offrande à l’autel,
 si là tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi,
24 laisse là ton offrande, devant l’autel, et va ! d’abord réconcilie-toi avec ton frère !
puis reviens, et alors présente ton offrande.

25  Mets-toi d'accord avec ton adversaire, vite, tant que tu es encore avec lui sur le chemin,
de peur que l'adversaire ne te livre au juge, et le juge au garde, et qu’on ne te jette en prison.
26 En vérité, je te le dis : tu ne sortiras pas de là, que tu n’aies rendu jusqu’au dernier sou.


Réflexions pour comprendre le texte de l'Évangile

Jésus reprend ici le commandement sur le respect de la vie : "Ne tue pas !" (Ex 20,13 ; Dt 5,17). Il en donne la compréhension que doit en avoir celui qui cherche la sainteté du Royaume. Non pas se contenter d'une observance extérieure (Je n'ai pas tué, je n'ai pas volé… donc je suis intègre), mais voir que la violence qui aboutit au meurtre est aussi celle qui cède à la colère, à l'insulte, au mépris, bref qui distille la discorde…

   Jésus nous renvoie donc à notre propre cœur, de sorte à constater qu'y sont déjà présents les germes du meurtre. Si je n'ai pas tué, du moins me suis-je mis en colère, ai-je insulté, ai-je méprisé des personnes… C'est que mon cœur n'est pas miséricordieux ; j'ai besoin d'implorer la miséricorde pour moi-même, afin de la mettre en œuvre dans les relations. En demandant pardon, chaque fois que j'ai blessé l'autre par ma violence… Il ne suffit pas de n'avoir rien à se reprocher, encore faut-il que personne n'ait quoi que ce soit à me reprocher  ("Si tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi… va ! réconcilie-toi !").

   On remarquera ici l'emploi par 4 fois du mot "frère"… Celui envers qui j'exerce la violence est d'abord pour Dieu un fils, et donc pour moi un frère… C'est aussi souvent avec les personnes les plus proches que j'ai le plus de difficultés.

   On peut souligner aussi que le mot  "adversaire" complète le mot "frère" pour dire la même chose (car ils peuvent fort bien être la même personne). Les phrases "va ! réconcilie-toi d'abord avec ton frère" et "mets-toi d'accord avec ton adversaire, vite !" sont là pour se compléter, et prônent la réconciliation avant tout…

   Dans le parallèle avec la prière du Notre Père, on peut lire ici une application approfondie du "Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensé". Il faut "d'abord", "vite", pardonner, se réconcilier, pour pouvoir prétendre au pardon de Dieu…

  Le salaire dans le royaume attaché à la miséricorde exercée concrètement, c'est de recevoir la miséricorde du Père…


Déceler les dérives sectaires possibles dans nos communautés ecclésiales  

La dureté de cœur
« Heureux les miséricordieux, ils obtiendront miséricorde ».
La béatitude sur la miséricorde nous invite à faire de notre cœur un cœur de chair, c’est-à-dire un cœur accueillant aux limites, aux pauvretés, aux misères de l’autre. C’est l’étymologie même du mot « miséricorde » : un cœur qui s’ouvre à la misère. Telle est notre perspective de conversion baptismale pour devenir saint.
À l’opposé, les tentations qui nous sont faites concernent la sclérose du cœur, la dureté de cœur, l’endurcissement, que Jésus a tant de fois dénoncé chez ses contemporains.
Cette dureté à laquelle nous consentons se traduit dans des attitudes de violence, d’insulte, de mépris. Mais aussi par une culture de l’esprit de supériorité : bonne conscience, réseaux inclusifs et exclusifs… Soigneusement entretenue, elle finit par dériver vers le harcèlement par volonté d’abaissement, et s’établit dans une sorte de schizophrénie hypocrite : rester volontiers malveillant pour autrui, tout en prétendant bénéficier de la bienveillance divine pour soi.

L’orgueil de la bonne conscience.

En restant superficiel, on peut s’estimer dans le droit chemin… « j’ai pas tué, j’ai pas volé… » C’est cet état de choses que Jésus dénonce. Il nous déstabilise en nous montrant à quel point l’envie meurtrière est déjà présente dans la violence verbale et physique (la colère), dans les insultes proférées (« racaille »), dans le mépris affiché (« idiot »). Au regard des paroles mêmes de Jésus, la bonne conscience n’est qu’orgueil et superficialité. Une vie chrétienne sans accroc majeur peut malheureusement finir dans cette ornière.

La violence verbale
Une violence verbale qui devient habituelle, notamment sous forme de colères, est l’indice d’un cœur malade. Hurler sur l’autre, « l’agonir de sottises », c’est comme le flageller, et vouloir le réduire en menus morceaux. Le fait de porter physiquement des coups est symbolique de cette volonté meurtrière. C’est faire comprendre à « l’autre » qu’on souhaiterait sa disparition.

Les insultes
Elles sont la mise en musique verbale appropriée de la violence que l’on exprime. Les insultes bien ajustées sont une façon de tuer la dignité de l’autre. C’est une sorte d’assassinat, d’exécution verbale par étiquetage nauséabond. Médisance et calomnie en sont aussi les vecteurs privilégiés.

Le mépris
Le mépris entretenu est un homicide à petit feu. Il veut aboutir à rabaisser la personne jusqu’à la faire « ramper » et disparaître, lui laissant entendre qu’elle aurait mieux fait de ne jamais exister. Le mépris « piétine » l’autre, l’écrase comme quantité négligeable.

Le harcèlement
Lorsque violence, insultes, et mépris, ou une seule de ces trois attitudes, deviennent répétitives, manifestant une volonté délibérée, il s’agit d’une forme de harcèlement. Selon le niveau où l’action est accomplie, on peut le qualifier de psychologique, psychique, moral, spirituel. Dans tous les cas, il a pour objectif de « faire tomber ». En ce sens, on peut le qualifier de « diabolique » : le diable (dia-ballo) est celui qui se jette en travers pour faire trébucher… On peut s’étonner qu’il ne se trouve pas dans la liste des « péchés mortels », et que l’Église ne dise pas grand-chose à ce sujet…

L’ignorance
Dans le cas d’une tension extrême, le monnayage de techniques d’isolation est monnaie courante. Pour mieux « évacuer » la personne, on va faire comme si elle était devenue « transparente ». Elle n’existe plus. On l’ignore purement et simplement. On passera à côté d’elle sans la saluer, sans la regarder. On ne la mettra plus au courant de rien. On distribuera des papiers aux autres, sauf à elle. On agira « dans son dos ». On l’isolera. Quelle lâcheté ! Ces façons de faire ont quelquefois pignon sur rue dans l’Église, qui plus est de la part de responsables, ordonnés ou laïcs, et c’est pitié.

La négligence

Jésus insiste bien sur le fait que l’autre doit être pour moi un « frère ». Malheureusement, dans bien des cas, le frère n’est que notre jumeau, celui qui nous ressemble. C’est le fonctionnement en réseau. Du même milieu social. De la même catégorie socioprofessionnelle. De la même culture. De la même foi. De la même spiritualité.
Cet esprit de discrimination, qui ne dit pas son nom, est à la racine de bien des indispositions. Il agit comme un repoussoir vis-à-vis de ceux et celles qui ne sont pas identiques… On cherche en vain la charité évangélique dans cette gangrène de nos milieux ecclésiaux… La société civile appelle cela le « communautarisme ». Nous devrions examiner si la vie communautaire instituée (religieuse ou laïque) et la prégnance d’un certain milieu social bourgeois, à l’intérieur même de l’Église, ne véhiculent pas, dans certains cas, des germes d’antimiséricorde…

L’hypocrisie
Lorsque se mêlent, dans une même personne, dans une même réalité communautaire, un esprit de malveillance envers autrui, mélangé à une recherche pour soi, pour nous, de la bienveillance divine, on atteint des sommets de schizophrénie spirituelle. Penser que Dieu puisse être bienveillant pour nous, alors que nous sommes malveillants pour les autres, c’est témoigner d’une grave maladie spirituelle. Jésus est très clair en Mt 6, 14-15 : « Si vous remettez aux hommes leurs fautes, votre Père céleste vous remettra aussi ; mais si vous ne remettez pas aux hommes, votre Père non plus ne vous remettra pas vos fautes. »

Charité sans feinte
« Que votre charité soit sans feinte ! » (Rm 12,9). Le terme originel employé par saint Paul et que l’on traduit par « sans feinte », est anhypokritos, c’est-à-dire sans hypocrisie. Ce mot est une sorte de lumière-guide ; il s’agit, en effet, d’un terme rare employé dans le Nouveau Testament, presque exclusivement pour définir l’amour chrétien. L’expression « amour sincère » (anhypokritos) revient encore en 2 Co 6, 6 et en 1 P l, 22. Ce dernier texte permet de saisir, avec une entière certitude, la signification du terme en question, car il l’explique par une périphrase ; l’amour sincère - dit-il - consiste à s’aimer intensément « de tout cœur ». Ce que l’on demande à l’amour chrétien, c’est qu’il soit vrai, authentique, sans feinte. (P. Cantalamessa, La Vie dans la Seigneurie du Christ, ch. 10).

La bienveillance et l’estime
« Rivalisez de zèle dans l’estime réciproque » (Rm 12, 10). Pour estimer notre frère il ne faut pas trop s’estimer soi-même, ne pas être toujours sûr de soi ; il faut - dit l’Apôtre « ne pas se faire une idée trop haute de soi-même » (cf. Rm 12,3). Celui qui a une idée trop haute de lui-même est comme un homme qui tient devant ses yeux une source de lumière intense dans la nuit : il n’arrive pas à voir quoi que ce soit au-delà de cette lumière ; il n’arrive pas à voir les lumières de ses frères, leurs qualités et leurs valeurs. (P. Cantalamessa, La Vie dans la Seigneurie du Christ, ch. 10)
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