Au milieu des soucis apostoliques, saint Paul exhortait ainsi : « Un temps viendra où l'on ne supportera plus l'enseignement solide, mais, au gré de leur caprice, les gens iront chercher une foule de maîtres pour calmer leur démangeaison d'entendre du nouveau. Ils refuseront d'entendre la Vérité pour se tourner vers des récits mythologiques » (2 Tm 4, 3-4). Conscients du grand réalisme de ses prévisions, avec humilité et persévérance vous vous efforcez de correspondre à ses recommandations : « Proclame la Parole, interviens à temps et à contretemps avec une grande patience et avec le souci d'instruire » (2 Tm 4, 2).
(Benoît XVI, discours aux Évêques de France réunis dans l'hémicycle Sainte-Bernadette, à Lourdes, le dimanche 14 septembre 2008).

"Rien n'est voilé qui ne sera dévoilé, et rien n'est secret qui ne sera connu" (Jésus, Mt 10, 26).

Pastorale Nouvelles Croyances
et Dérives Sectaires 72

Menu
Pastorale vocationnelle et facteur temps






Cette réflexion très judicieuse de Sandro Magister sur son blog mérite qu'on s'y arrête. Il souligne comment ont peut s'enthousiasmer dans un premier temps pour des Communautés Nouvelles, dont les fruits se révèlent ensuite très problématiques.

On peut retirer de cette réflexion l'exigence absolue de laisser du temps au temps pour que se révèlent les vrais fruits de sainteté au-delà des apparences séduisantes, qui cachent souvent de graves fragilités.

De ce point de vue, on ne peut que rester songeur devant la pastorale de l'appel aux vocations mise en oeuvre par le Chemin Néocatéchuménal. Le rituel mis en oeuvre JMJ après JMJ semble d'une grande fécondité... mais il est fallacieux d'imaginer qu'une décision d'engagement pour la vie consacrée ou sacerdotale puisse être équilibrée quand elle est posée dans l'euphorie d'un grand rassemblement après deux semaines de JMJ...

Le texte original sur le blog comporte de nombreux liens qui ne sont pas reproduits ici.    D.A.




Le professeur Ratzinger ? Trop bon

En première analyse, il a tendance à approuver tous les groupes et mouvements, y compris ceux qui lui apporteront par la suite de grandes déceptions. Trois cas d'école: les néocatéchumènes, les moines de Vallechiara, les Hérauts de l’Évangile

par Sandro Magister


ROME, le 26 août 2011 – C’est une tradition chez eux : les néocatéchumènes ont participé en grand nombre aux Journées Mondiales de la Jeunesse de Madrid. Et ils y ont ajouté leur "day after", une autre de leurs traditions.

Dans l’après-midi du lundi 22 août, ils se sont rassemblés sur la Plaza de Cibeles, en plein centre de la ville, pour le rite de "l’appel" au sacerdoce ou à la vie religieuse, auprès de leur fondateur Francisco José Gómez Argüello, dit Kiko, qui était entouré de l’archevêque de Madrid, Antonio María Rouco Varela, et de dizaines d’autres évêques venus du monde entier.

La place était pleine de néocatéchumènes originaires de nombreux pays, 180 000 en tout, dont 50 000 Italiens et 40 000 Espagnols.

Deux paroisses de Rome, la ville où la présence du Chemin néocatéchuménal est la plus forte, fournissaient à elles seules 750 personnes.

Cet "appel" a obtenu une réponse massive. Quelque 9 000 jeunes des deux sexes qui étaient sur la place ont couru vers l’estrade pour faire bénir par les évêques la vocation qu’ils ont choisie.

Pour enflammer la foule, Kiko n’a pas manqué de rappeler – comme il le fait souvent – le soutien apporté à l’implantation du Chemin néocatéchuménal en Allemagne par celui qui était alors le professeur de théologie Joseph Ratzinger, en 1974.

Cette année-là, Stefano Gennarini et d’autres disciples italiens de Ratzinger à Ratisbonne avaient annoncé à celui-ci qu’ils étaient devenus membres du Chemin néocatéchuménal à Rome et qu’ils en étaient très heureux.

Leur enthousiasme se communiqua au professeur Ratzinger, qui voulut inviter à dîner chez lui Kiko et l'autre fondatrice du Chemin, l’ancienne religieuse Carmen Hernández.

Le lendemain la rencontre fut étendue, à la demande de Ratzinger, à celui qui était alors l’évêque auxiliaire de Munich.

Peu de temps après, Ratzinger écrivit à deux de ses amis, prêtres du diocèse de Munich, pour leur recommander chaleureusement de favoriser le développement du Chemin dans leurs  paroisses respectives. Ce qui fut fait.

À Madrid, comme toujours quand il raconte cet épisode, Kiko a relu avec emphase quelques phrases de ces deux lettres de Ratzinger.

Cela n’a pas empêché le Chemin de donner par la suite beaucoup de fil à retordre à ce même Ratzinger, devenu préfet de la congrégation pour la doctrine de la foi puis pape.

En effet les textes catéchétiques écrits par Kiko et Carmen pour la formation des membres du Chemin – textes qui sont encore secrets aujourd’hui – ont nécessité treize années de révisions et de corrections de la part de la congrégation pour la doctrine de la foi avant d’être approuvés en 2010.

Les modalités selon lesquelles les néocatéchumènes célèbrent la messe et les sacrements ont également fait à de nombreuses reprises l’objet de rappels à l’ordre et de corrections, pas toujours suivis d’effet, de la part des autorités vaticanes.

Si en 1974 celui qui était alors le jeune professeur Ratzinger avait eu tout de suite connaissance des failles du Chemin en matière de doctrine et de liturgie, son enthousiasme aurait été remplacé par une grande prudence.

Et ce n’est pas le seul cas où Ratzinger ait péché par excès d’optimisme initial dans ses jugements sur de nouveaux phénomènes religieux qui lui ont ensuite donné des motifs de préoccupation.

*

L’un de ces cas est celui de la Famiglia Monastica Fraternità di Gesù [Famille Monastique Fraternité de Jésus], qui s’était installée, dans les années 80, dans une zone agricole proche de Castel Gandolfo et qui comptait plusieurs dizaines de moines et moniales.

Le fondateur, le père Tarcisio Benvenuti, donna le nom évocateur de Vallechiara [vallée claire] à son nouveau monastère et s’attira bientôt les visites et la sympathie d’ecclésiastiques illustres, allant de Christoph Schönborn, archevêque de Vienne, à Rowan Williams, archevêque de Cantorbéry et primat de l’Église anglicane.

Le prince Charles d’Angleterre vint lui aussi visiter le monastère et l’exploitation agricole en 2002, ainsi que celui qui était alors le cardinal Ratzinger.

Ratzinger fut tellement enthousiasmé que, le 8 mars 2004, il écrivit au père abbé Benvenuti une longue lettre manuscrite pleine de compliments et d’encouragements, qui est aujourd’hui encore reproduite intégralement sur le site de la communauté.

Cette année-là, on alla même, au Vatican, jusqu’à envisager de confier à la Famiglia Monastica Fraternità di Gesù la responsabilité de la basilique romaine Saint-Paul-hors-les-Murs, en remplacement des moines bénédictins qui y étaient présents depuis des siècles et qui étaient désormais peu nombreux et âgés.

Mais ce fut là le début de la fin pour le père Benvenuti et les siens. Les bénédictins, les vrais, se fâchèrent contre ceux qu’ils considéraient comme de mauvais imitateurs. Et les fautes nombreuses et graves de la communauté commencèrent à être connues. En 2007 Ratzinger, devenu pape entre temps, chargea un abbé bénédictin d’y effectuer une visite apostolique, dont les résultats furent désastreux.

La communauté fut confiée à un administrateur extérieur. Le fondateur et le co-fondateur, les pères Benvenuti et Zeno Sartori, furent d’abord envoyés dans les monastères bénédictins de Praglia et de Novalesa, puis exilés dans un sanctuaire situé dans les montagnes d’Autriche, à St. Corona am Wechsel, dans le diocèse de Vienne.

Le coup de grâce fut donné le12 avril 2010. La congrégation vaticane pour les religieux, présidée par le cardinal Franc Rodé, publia le décret de suppression de la Famiglia Monastica Fraternità di Gesù, décret approuvé sous une forme spécifique par Benoît XVI le 22 avril suivant.

*

Autre cas d’école : les Hérauts de l’Évangile. C’est le seul mouvement catholique créé récemment que Benoît XVI ait cité nommément dans son récent livre-interview "Lumière du monde".

Et il l’a cité pour en faire l’éloge : il s’agit de "jeunes gens qui sont enthousiastes d’avoir reconnu en Jésus-Christ le Fils de Dieu et de l’annoncer au monde" ; ils sont la preuve qu’au Brésil aussi – c’est là que le mouvement est né – "on assiste à de grandes renaissances catholiques".

À partir du Brésil, les Hérauts de l’Évangile se sont répandus dans des dizaines de pays. À Rome ils officient à l’église San Benedetto in Piscinula. Ce sont des laïcs et des laïques consacrés, avec quelques prêtres. Ils vivent en communautés et portent une tenue d’aspect militaire et de style néo-médiéval (photo).

Ils ont été reconnus par le Saint-Siège en 2001. Mais leur fondateur, Mgr João Scognamiglio Clá Dias, provient d’une souche préexistante et bien connue, celle du mouvement Tradition, Famille et Propriété, dirigé par Plinio Corrêa de Oliveira (1908-1985), dont il fut le collaborateur et l'interprète le plus proche. Mgr Scognamiglio Clá Dias a consacré une thèse de doctorat à la pensée et à la vie de Corrêa de Oliveira.

Comme Tradition, Famille et Propriété, les Hérauts de l’Évangile sont un mouvement catholique nettement traditionaliste et conservateur, tout à fait à l’opposé des courants catholiques latino-américains nourris de théologie de la libération.

L’affrontement entre ces deux tendances a récemment eu pour théâtre le vicariat apostolique de San Miguel de Sucumbíos, un avant-poste missionnaire dans la partie amazonienne de l’Équateur, à la frontière avec la Colombie.

Il y a encore peu de temps, ce vicariat était dirigé par un évêque appartenant à l’ordre des carmes déchaux, Gonzalo Marañón Lopez, qui a de la sympathie pour la théologie de la libération et donc pour les communautés de base, la lecture populaire de la Bible, la créativité dans la liturgie.

La congrégation pour l'évangélisation des peuples, présidée par le cardinal Ivan Dias, n’en était pas satisfaite. Et en 2007 elle a envoyé l'archevêque brésilien de Petropolis, Filippo Santoro, en visite apostolique.

Celle-ci a eu comme résultat, à l’automne 2010, le remplacement de l’évêque Marañón Lopez par un prêtre argentin, Rafael Ibarguren Schindler, membre de l'association "Virgo Flos Carmeli", branche sacerdotale des Hérauts de l’Évangile.

Le cardinal Dias a chargé officiellement le père Ibarguren et les Hérauts de réorganiser le vicariat "de manière différente" par rapport au système antérieur, rejeté parce que "pas toujours conforme à l’exigence pastorale de l’Église".

Mais, à leur arrivée, les nouveaux venus se sont immédiatement heurtés à la virulente opposition des leaders qu’ils avaient évincés.

Il s’en est suivi des mois d’affrontements, verbaux et parfois même physiques, avec des protestations, des appels, des marches, des souscriptions. La conférence des évêques d'Équateur elle-même s’est divisée, les uns étant favorables et les autres opposés. Même des membres importants du gouvernement sont entrés dans la mêlée contre les Hérauts de l’Évangile. Le nonce apostolique, Mgr Giacomo Guido Ottonello, épaulé à la secrétairerie d’état du Vatican par Mgr Angelo Accattino, a dû intervenir en tant que médiateur.

Aujourd’hui l’affrontement ne paraît pas encore apaisé. Comme d’autres mouvements catholiques qui ont un profil marqué, les Hérauts de l’Évangile tendent un peu partout à provoquer des divisions. Certains les admirent et les soutiennent totalement, d’autres ne les supportent pas.

Il en est de même pour les néocatéchumènes. Parmi les cardinaux et les évêques, ils ont de fervents admirateurs, mais beaucoup d’autres leurs sont opposés et les critiquent. C’est ainsi que les évêques japonais, en bloc, ont récemment rompu avec eux. Même chose au Népal il y a quelques jours.

Les grands éloges initiaux de Ratzinger ne sont pas toujours confirmés par les faits.


Traduction française par Charles de Pechpeyrou.






Retour à la page "Dans l'Église"


 
Haut de la page